dimanche 11 novembre 2018

Sommes-nous seuls dans l’univers ?


Ce texte fut publié dans le Courrier de Saône-et-Loire Dimanche du 6 avril 1986.

La veille, le rédacteur en chef du journal, Michel Limoges, le présentait ainsi !

Michel Granger suppose que nous ne sommes pas seuls dans l’univers.

Voilà un sujet inépuisable pour la chronique de l’étrange : la vie dans l’univers. Sommes-nous les seules bébêtes pensantes de la création ? Si oui, prions Dieu pour qu’il nous retrouve dans les milliards de galaxie qui composent l’univers. Si non, nos « frères » sont-ils des décalques de nos petites personnes, ou des ânes bâtés ou des supercerveaux auprès desquels nous ne serions que des microbes intellectuels. Autant de savants autant de réponses.

Michel Granger nous en expose quelques-unes et nous demande, éventuellement, la (ou les) nôtre.


Il n’y a pas plus d’un demi-siècle que la question de la vie extra-terrestre a commencé à intéresser les scientifiques.


Plutarque (16-125).
Avant, c’est à dire tout de même depuis le début de l’ère chrétienne, quand Plutarque imaginait déjà la Lune comme une Terre miniature peuplée d’une race de démons, les spéculations touchant à l’existence éventuelle d’une vie hors de la Terre, voire d’une intelligence, étaient dédaignées par la communauté savante. C’était juste bon à occuper l’esprit des philosophes et, plus récemment, l’imagination des auteurs de science-fiction. Au même titre que l’intéressante mais stérile question du sexe des anges...


Galilée (1564-1642).







A l’avènement de l’astronomie, lorsque Galilée braqua au firmament la première lunette astronomique dans les années 1600 et révéla que « Dieu avait créé toute cette multitude colossale de mondes dans le ciel », on aurait pu croire que l’humanité allait enfin se réveiller et regarder en face le mystère de sa présence à l’échelle du cosmos.

Il n’en fut rien, hélas. Pendant toute la fin du 19ème siècle et le début du 20ème, ce sujet de réflexion fut contrarié par la croyance selon laquelle la vie est un phénomène rarissime, quasi unique. Et alors l’intelligence, pis encore !

Heureusement, les temps ont changé. Les opinions aussi. Quoiqu’aucune preuve directe de l’existence d’une vie extra-terrestre n’ait encore été scientifiquement acquise - ce qui autorise un dernier noyau dogmatiques à continuer de croire que nous sommes bien la seule singularité pensante de tout l’univers -, on a tendance aujourd’hui, au contraire, à admettre que le cosmos grouille de vies de toutes sortes, de civilisations plus ou moins technologiques, de supersociétés futuristes... en avance peut-être sur nous à un tel point qu’ils nous regarderaient comme les entomologues regardent les fourmis s’evertuer à reconstituer leurs nids si par malheur on le détruit.

Profitons donc de la conjoncture favorable pour parler de cette question essentielle qui, à mon sens, justifie peut-être, à elle seule, le fait que nous existions. En effet, d’une certaine manière, ne serait-ce pas le moyen unique de nous libérer de nos éternelles angoisses qui tournent autour de ces grandes interrogations : qui sommes-nous? D’où venons-nous? Que faisons-nous là sur la Terre ?

Montrons, tout d’abord, comment les scientifiques modernes en sont arrivés, depuis une vingtaine d’années, à affirmer que l’Homme, dans l’univers, n’a aucunement le droit de revendiquer une place privilégiée ; au contraire, il est probable que nous constituons un modèle plutôt bas de gamme dans la myriade des intelligences qui peuplent présentement l’immensité du cosmos. Une fausse note de stupidité dans un choeur philharmonique de supercerveaux !

Les savants font un blocage quand il s’agit de résoudre un problème autrement que par le calcul mathématique. Aussi se sont-ils empressés de pondre une équation pour justifier l’omniprésence de la vie intelligente dans l’univers. Cette équation, unique en son genre, fort simple au demeurant, présente toutefois un gros handicap : elle ne comprend que des inconnues et n’en compte pas moins de cinq, rien que pour estimer le nombre actuel d’espèces douées de raison vivant ailleurs que sur la Terre.

Carl Sagan ( 1934-1996).
Ce sont deux savants américains réputés, Carl Sagan et Frank Drake, qui ont pondu cette fameuse formule; celle-ci, à partir d’un produit de données indéterminées, aboutit à la certitude que nous avons une multitude de frères pensants, sur d’autres planètes invisibles dans le ciel. Tel est le miracle des mathématiques dès qu’elles se fondent sur des statistiques. Vous avez une chance infime de trouver les six bons numéros du loto et pourtant, chaque semaine, il y a toujours un gagnant tant il y a un grand nombre de joueurs.

Il en est de même pour les chances de vie sur une planète. Elles sont extrêmement faibles : à preuve,
Frank Drake (1930->).
nous sommes la seule vie qui, semble-t-il, existe dans le système solaire Faibles, mais pas nulles, puisqu’il y a bien de la vie... sur la Terre, n’est-ce pas ? On dit une probabilité d’au moins 1/9 = une vie sur 9 planètes.

Par de subtils raisonnements de ce genre, et en multipliant ensemble et successivement les chiffres obtenus :
- probabilité pour qu’une étoile s’accompagne de planètes (exemple le Soleil et la Terre, donc probabilité non nulle estimée à 1/4).
- probabilité pour que cette planète ait un environnement favorable à la vie (on prend 1/10, peu différent de 1/9).
- probabilité pour qu’une vie primitive (amibes, par exemple) se soit effectivement développée à partir de ces conditions propices (les biologistes donnent une probabilité de un, c’est à dire la certitude absolue, mais, par prudence, prenons encore 1/10)
- et probabilité pour qu’une intelligence (exemple Homme) ait évolué à partir de ces organismes inférieurs (1/10 encore).
        
On arrive au résultat de 1/4000 soit 1/4 x 10 x10 x 10.

C’est peu un soleil habité « intellectuellement » pour 3 999 qui ne le sont pas. Mais c’est énorme quand on sait que notre galaxie compte plus de 400 milliards de soleils !

Ainsi, d’après notre calcul, la Voie Lactée que nous découvrons la nuit en regardant le ciel, a pu abriter 100 millions de mondes susceptibles d’avoir produit, sous une forme ou sous une autre, des créatures intelligentes. C’est en vertu de ce nombre très élevé que les spécialistes sont si sûrs d’eux. La marge semble trop grande pour leur donner tort.

La Voie Lactée.
Reste à déterminer la fraction de ces communautés encore au stade technologique à l’heure où vous me lisez, beaucoup ayant certainement déjà disparu comme des kamikases, ou parce que leur Soleil s’est éteint, et d’autres étant encore trop jeunes, bien que potentiellement « capables ». N’a-t-il pas fallu 4,6 milliards d’années à la Terre pour enfanter l’Homo technicus ?

Je vous épargne les calculs intermédiaires. Tout compte fait, cela revient à diviser le chiffre ci-dessus par 100.

En dernier ressort donc, c’est un million de civilisations au moins à notre niveau ou en passe de l’être qui cohabitent dans notre espace galactique. Nous ne sommes pas seuls, je vous en prend à témoin. Ni seuls, ni favorisés.

En effet, elle est telle la profusion de nos semblables dotés de raison (sous quelle forme, ça c’est une autre histoire ?) et nous sommes si « débutants » dans le métier (l’ère technologique humaine date à peine de quelques siècles), que la plupart de nos frères de l’espace doivent presque tous être nos aînés. Sagan pense, quant à lui, que la durée de vie d’une société technologique est de l’ordre d’un million d’années!

Ronald N. Bracewell (1921-2007).
Dix mille siècles devant nous, un million de civilisations sœurs autour de nous, une large majorité nettement « en avance » sur nous, tel est le destin grandiose de l’Homme au sein du « club galactique » des créatures intelligentes du cosmos, selon un terme inventé par Ronald N. Bracewell, un des pontes de l’exobiologie américaine. L’exobiologie, c’est l’étude de la vie en dehors de celle que nous connaissons sur Terre.

Dans ces conditions, comme nous manifestons déjà « au berceau » des vélléités de voyages spatiaux, de communications interstellaires, de colonisation de l’espace, nos grands frères galactiques ont dû y penser voilà des milliers d’années et, qui sait ?, certains ont-ils songé à « sonder » la planète Terre ?

Avons-nous alors été « visités », au même titre que nous nous sommes rendus sur la Lune entre 1969 et 1972 et trouve-t-on des preuves de ces « visites » ? Existent-elles enfouies notamment dans les légendes, les mythes ? Doit-on y lire sous forme allégorique le témoignage de ces « rencontres » avec des intrus extraterrestres ? Des missions de reconnaissance ont-elles encore lieu aujourd’hui ? A notre insu ?

Nous a-t-on contactés et pourquoi ? Avons-nous reçu des messages sans les reconnaître ? Quel serait l’impact d’une confrontation physique ou psychique avec des émissaires venus d’ailleurs ? Qu’avons-nous à y gagner ? A y perdre ? Nous-mêmes, sommes-nous des extraterrestres implantés, exilés, réinsérés ? Qu’est-ce qui tendrait à le prouver ? La Terre est-elle sous contrôle ?

Toutes ces questions méritent attention et je m’emploierai à tenter d’y répondre un autre jour très certainement.



lundi 23 avril 2018


Le cas Hamilton


Des enlèvements célestes d’animaux ont été aussi rapportés dans les annales du mystérieux et de l’extraordinaire. Comme ce cas datant de 120 ans que j’ai relaté pour la première fois dans mon livre : « Le Grand Carnage » en 1986 (pages 41 à 56) avec son épilogue qui laisse planer un certain doute.


Voleurs de bétail aéroportés en 1897
Les historiens sont formels : avant 1900, le ciel était encore le domaine réservé des oiseaux. Depuis un siècle, quelques monstres « plus légers que l’air » s’étaient bien élevés au-dessus du sol, énormes et stupides et, plus récemment, d’étranges chauves-souris (avions à vapeur de Clément Ader) avaient pu quitter maladroitement le sol mais on se demande encore aujourd’hui s’il y avait eu réellement vol ou simple « soulèvement ».

Et pourtant, si l’on en croit un journal rural américain, des voleurs de bétail aéroportés sévissaient déjà dans l’Etat du Kansas, en 1897. Et la machine volante de ces brigands, étant donné sa taille et sa surprenante maniabilité, évoque irrésistiblement un ballon dirigeable, lequel, certes, existe déjà dans l’esprit de ses inventeurs mais dont le premier prototype jamais construit doté d’une certaine « manœuvrabilité » n’est reconnu officiellement qu’en 1900...
 

C’est dans The Farmer’s Advocate du 23 avril 1897 que l’on trouve cette extraordinaire aventure arrivée à un fermier du comté Woodson, nommé Alexander Hamilton.

« L’honorable Alexander Hamilton est venu en ville mercredi dernier et il a créé une certaine agitation en annonçant avoir eu maille à partir avec un engin volant. M. Hamilton est un vieil immigrant et il a exercé, anciennement, des fonctions législatives (il fit partie de l’assemblée nationale américaine). Il est connu partout dans la région de Woodson, Allen, Coffey et Anderson. A notre reporter, il a raconté :

« La nuit de lundi dernier, vers 22 h 30, nous avons été réveillés par un bruit provenant de notre enclos à bétail. Je me suis levé en toute hâte croyant que, peut-être, mon chien bouledogue faisait des siennes. Mais, étant sorti sur le pas de la porte, je vis à ma plus complète stupéfaction un engin volant qui descendait lentement au-dessus de mon troupeau de bovins à environ 50 mètres de notre habitation.

« Ayant appelé mon commis Gid Heslip et mon fils Wall, et après nous être armés de haches, nous filâmes vers le corral. Pendant ce temps, l’engin avait doucement perdu de l’altitude au point qu’il n’était plus qu’à 10 mètres au-dessus du sol. Nous nous approchâmes à moins de 40 mètres. Il avait la forme d’un grand cigare de 90 mètres de long avec une nacelle en dessous.

« Celle-ci était constituée de panneaux de verre ou de quelque substance transparente, séparés par des bandes étroites faites d’un autre matériau. Il était violemment éclairé de l’intérieur et chaque détail était nettement visible. Il possédait trois lumières : l’une pareille à un immense projecteur et deux plus petites, une rouge et une verte. La plus large semblait susceptible d’être orientée dans toutes les directions.

« L’engin était occupé par les six êtres les plus étranges que j’aie jamais vus : deux hommes, une femme et trois enfants. Ils discutaient ensemble mais nous ne pouvions comprendre une syllabe de ce qu’ils disaient. Chaque partie du vaisseau qui n’était pas transparente avait une couleur sombre rougeâtre.

« Nous étions restés muets de stupeur et d’effroi et pourtant un bruit attira leur attention ; ils braquèrent alors leur projecteur vers nous. Dès qu’ils nous aperçurent, ils se tournèrent vers quelque dispositif inconnu et une grande roue d’environ 10 mètres de diamètre, qui était en rotation lente au-dessous du vaisseau, commença à vrombir, émettant le bourdonnement caractéristique du cylindre d’une écrémeuse. L’engin se déplaça aussi légèrement qu’un oiseau.

« Quand il fut juste au-dessus de nous, il sembla marquer un temps d’arrêt puis se dirigea en direction d’une jeune génisse de 3 ans, laquelle se mit à beugler et à faire des bonds comme si elle s’était entravée dans la clôture. En nous rapprochant, nous vîmes un câble d’environ un centimètre de diamètre, constitué du même matériau rouge, qui était relié au cou de l’animal et dont l’autre extrémité rejoignait le vaisseau.

« Chacun tenta de délivrer la pauvre bête mais sans aucun succès et c’est lorsque nous nous efforcions de trancher le filin que l’engin volant commença à se déplacer, entraînant l’animal et nous avec. Bientôt, il s’éleva et disparut au nord-ouest. Une fois rentré à la ferme, je ne pus dormir tellement J’étais traumatisé. Je me levai donc très tôt le mardi matin, enfourchai mon cheval et me mis en route dans l’espoir de retrouver la trace de mon animal. De guerre lasse, en soirée, je regagnai LeRoy où j’appris que Lank Thomas, qui vit dans le comté de Coffey à environ 5 à 6 kilomètres, avait découvert la dépouille, les pattes et la tête de ma génisse, dans son champ au cours de la journée.

« Pensant que quelqu’un avait tué une bête volée et jeté les restes, il les apporta à la ville pour identification, mais il avait été grandement dérouté de remarquer qu’aucune trace n’était visible sur le sol mou. J’ai rejoint mon domicile la nuit dernière, mais chaque fois que je cède au sommeil, je revois la chose maudite avec ses grosses lumières et ses occupants hideux. Je ne sais pas si ce sont des démons ou des anges ou autre chose, mais nous les avons tous vus moi et ma famille ainsi que l’engin volant. Je n’en sais pas plus. »

« Monsieur Hamilton ne semblait pas encore entièrement remis du choc causé par sa mésaventure et ceux qui le connaissent avaient la conviction qu’il était sincère dans chacune de ses paroles. »

Pour ajouter à la crédibilité du témoignage du fermier, le journal publia l’affidavit suivant signé par 11 personnalités proches de Hamilton qui se portaient garantes de son intégrité.

« Attendu qu’il y a et qu’il y aura toujours des sceptiques et des incrédules chaque fois que la réalité revêt l’habit de l’invraisemblable et sachant que certaines gens ignorants et soupçonneux douteront de la véridicité du récit ci-dessus, les soussignés font l’affidavit suivant : nous connaissons Hamilton depuis 15 à 30 ans, nous garantissons l’authenticité de son interview reproduite ici et nous sommes convaincus qu’il a décrit une expérience dont il a été réellement le témoin. »

Suivaient onze signatures de notables, du shérif au pharmacien...

Ainsi donc le cas Hamilton, cautionné 11 fois, offrait, à première vue, toutes les garanties de l’authenticité et on comprend aisément que, dès que les premières mutilations modernes de bétail furent rapportées, on se souvint de « l’aventure bien mystérieuse » survenue au Kansas dans la nuit du 21 au 22 avril 1897 où « un câble lumineux muni d’un nœud coulant était descendu d’un vaisseau volant pour kidnapper une génisse dont la tête, la peau et les sabots furent retrouvés à 5 km du lieu de l’enlèvement, le lendemain ».

On s’en souvint d’autant mieux que cette image d’un animal suspendu à quelque engin volant qui l’entraîne irrésistiblement vers le ciel figure au rang des clichés mythiques les mieux ancrés dans l’esprit des hommes.

« Les dieux de feu de l’ancienne Egypte emportaient les animaux dans les cieux, écrit T.R. Blann. Le peuple des fées faisait de même en Europe pour les bêtes et les animaux. »

Mais c’est en Amérique que cette allégorie a trouvé le terrain propice à un véritable enracinement obsessionnel. Les légendes des Indiens ne décrivaient-elle pas, déjà, « de grands oiseaux blancs de forme circulaire, descendus du ciel pour capturer les buffles de la plaine » ?

Les versions modernes de l’incident
Le 7 septembre 1956, donc dix ans environ avant que les premières mutilations de bétail soient signalées, en Idaho près de Twin Falls, trois hommes affirmèrent avoir observé un énorme objet en forme de soucoupe de quelques 60 mètres de diamètre qui, descendu au-dessus d’un champ à découvert, était venu s’arrêter près d’un jeune bouvillon. Avant que les témoins aient pu s’approcher, le vaisseau reprit de l’altitude et on ne revit plus jamais l’animal.

Étaient-ce donc les fils des voleurs de bétail déjà à l’oeuvre en 1897 qui perpétraient ces autres enlèvements ?

Il y eut bien d’autres cas semblables non seulement en Amérique du Nord mais au Brésil et même en Grande Bretagne.

Le 25 octobre 1970 en fin d’après midi, deux ouvriers bouviers brésiliens, Pedro Trajano Machado, soixante-six ans et Euripides de Jésus Trindade, vingt-trois ans, fils du premier, étaient occupés à soigner le bétail de la propriété « Palma Velha », dans le premier district de Alegrete (Palma).

Ils venaient de séparer du troupeau (18 bêtes au total) une vache de race Jersey et son petit veau qu’ils enfermèrent à part, quand ils remarquèrent qu’une certaine inquiétude semblait agiter les bestiaux. La vache meuglait avec insistance en direction de son rejeton.

C’est alors qu’ils virent ce dernier, hurlant de terreur, « suspendu en l’air sur une hauteur d’un mètre environ, se déplaçant parallèlement au sol (...) ». Les autres bovins continuaient à beugler, à mugir et à s’agiter, donnant tous les signes de la frayeur. Et soudain le veau commença un mouvement ascensionnel à la verticale, montant lentement...

Durant les trois à quatre minutes que dura ce halage, le veau resta les pattes pendantes dans une position toute naturelle sauf que ses sabots ne reposaient plus au sol. Et il disparut de façon soudaine « comme si un rideau l’avait intercepté » (1).

C’est à peu près à la même époque que deux policiers américains, sur une route isolée, aperçurent une vache ou un veau « flottant au-dessus d’eux à une altitude de plusieurs mètres ».

En mai 1973, toute une famille d’Américains assista à un enlèvement similaire sur une route du Texas, entre Webster et Alta Loma. Mrs Judith Doraty et quelques membres de sa famille dont sa fille Janet, roulaient en voiture au sud de Houston lorsqu’ils s’aperçurent qu’un ovni les suivait. Ayant stoppé leur véhicule, ils assistèrent alors à un spectacle ahurissant. Un veau, dans un pré voisin, semblait avoir été littéralement « aspiré » en direction de l’engin volant par l’entremise d’un rayon lumineux rempli de poussières et de particules.

Par un phénomène commun à nombre de « contactés », Mrs Doraty se trouva transportée - sinon elle physiquement, du moins se conscience - à bord du vaisseau où des petits hommes verts effectuaient des expériences sur le veau. C’est du moins ce qu’elle affirma juste après l’incident. Elle y ajouta des détails complémentaires quand elle fut « régressée » hypnotiquement par Leo Sprinkle à l’occasion du tournage du film « Etrange récolte », consacré aux mutilations de bovins sur le territoire américain.

Dans certains cas même, les voleurs aéroportés renoncèrent-ils à leur proie quand ils furent dérangés dans leur « travail » ?

« Les vaches nous réveillèrent à 1 h 30 du matin par des meuglements intempestifs le 24 septembre 1974, raconta Mrs Hoffman, robuste fermière de l’Iowa, au journal Lemars Daily Sentinel. Un veau hurlait comme si quelqu’un le maintenait à terre. Et tout le troupeau menait grand tapage, cette agitation bruyante rappelant celle que l’on constate lors d’un rassemblement des bêtes pour un chargement ou un examen vétérinaire.

« Nous discutâmes un moment de cette effervescence avec mon mari et les rapports récents de vaches mutilées et vidées de leur sang parus à la fin de l’été dans la presse locale nous revinrent en mémoire. Un jeune veau avait même été trouvé mutilé le week-end dernier dans le comté de Sioux.

« Malgré mes conseils de prudence, mon mari George voulut aller jeter un coup d’œil. Il descendit au rez-de-chaussée, alluma la lumière et sortit dehors tandis que je continuais de scruter l’obscurité à travers la fenêtre.

« Je le vis s’avancer vers le hangar à foin, en évitant les zones les plus éclairées. La pâture jouxte le jardin justement près de ce hangar. Il était à mi-chemin lorsqu’il se figea. Plus tard, il me rapporta que c’était précisément à ce moment-là qu’il avait vu la lumière. C’était illuminé comme une cabine de la taille d’une automobile et se déplaçait doucement.

« George resta là planté au moins cinq minutes sans faire un mouvement, le regard dirigé vers l’enclos. Et soudain, il n’y eut plus rien devant ses yeux écarquillés et les bêtes se calmèrent aussitôt. »

Le lendemain, le propriétaire de la ferme située à 7 kilomètres de Libertyville dans la commune Johnson, fit l’inventaire de son troupeau et il n’y trouva aucun animal manquant. Par contre, il repéra un demi-cercle brûlé au beau milieu de sa pâture.

Ces mystérieux voleurs qui, pour une fois, avaient dû renoncer à leur projet, ont-ils, depuis peu, ouvert une succursale en Grande Bretagne ?

En février 1978, l’hebdomadaire Runcorn Weekly News relata le témoignage de plusieurs personnes qui avaient vu, près de Frodsham, Cheshire, « une étrange structure volante couleur aluminium argenté s’emparer d’une vache dans une cage et l’emporter avec elle ».

Malgré tous ces témoignage concordants, par cet étrange processus de « contre-preuve » qui n’a cessé de discréditer l’ufologie aux yeux des scientifiques - on appelle çà le « paradoxe de Guérin » (2) - le cas Hamilton, consacré au rang de précurseur fameux des crimes abominables des mutilateurs aéroportés et, textuellement, de « premier rapport circonstancié sur des humanoïdes vus à l’intérieur d’un engin aérien inconnu qui mutilaient une vache », cette « pièce justificative » en quelque sorte de la constance du phénomène mutilatoire venu du ciel, s’est révélée en 1977 « le plus gros canular jamais découvert dans l’histoire des ovnis ».

Un énorme canular
En 1976, J.M. Rickard éditeur de la revue britannique Fortean Times reçut une lettre d’un de ses lecteurs américains lui signalant qu’au cours d’une recherche bibliographique dans des journaux locaux, il avait déniché un article qui jetait un jour tout nouveau sur le cas Hamilton.

L’hebdomadaire du Kansas, le Buffalo Entreprise, sûrement en mal de copie, avait réimprimé in extenso l’aventure de Leroy, le 21 janvier 1943. Le procédé n’était pas nouveau et il avait contribué à ce que l’histoire ne soit pas complètement oubliée dans la région.

Or, suite à ce remake journalistique, une lettre parvint à la rédaction du Buffalo Entreprise. Une lettre d’Ed F. Hudson qui, en 1897, était l’éditeur du Farmer’s Advocate de Yates Center. Et souvenez-vous, c’était dans cet hebdomadaire que fut publié initialement le récit d’Hamilton.

Voici le contenu tardivement révélateur de cette lettre :

« Je venais juste d’acheter et d’installer un petit moteur à essence - le premier, je crois, à parvenir à Yates Center - destiné à remplacer le dispositif manuel d’utilisation de ma vieille presse à imprimer Country Campbell. Tout était prêt pour le lancement. J’invitai un certain nombre de mes amis à venir voir tourner la machine dans mon atelier. Hamilton en faisait partie.

« A un moment, il s’exclama : - Avec cela on pourrait voler !

« L’histoire était lancée et nous l’avons publiée. Elle fut reproduite dans des journaux régionaux à plus forte diffusion, puis en Angleterre, en France, en Allemagne, avec parfois des illustrations faites au crayon. Il y eut aussi des centaines de demandes de renseignements émanant de toutes les parties du monde. Bientôt les premiers essais officiels de l’aviation furent entrepris mais j’ai toujours maintenu que l’inventeur de la navigation aérienne, c’était Alex Hamilton ».

A la lettre d’Ed Hudson était jointe une note de son fils Ben S. Hudson, éditeur lui-même du Fredonia Daily Herald, qui précisait que son père et Hamilton avaient « imaginé cette histoire au cours d’une de ces réunions du samedi tantôt qui était d’usage à l’époque ».

Mais le témoignage de l’éditeur Hudson, même si le fait qu’il soit passé inaperçu ajoute à sa crédibilité, ne constituait pas plus qu’une solide présomption en faveur de la duperie. C’est pourquoi, lorsque Rickard en eut connaissance, il s’empressa de faire parvenir une copie de l’article démystificateur à Jerome Clark, son homologue américain, éditeur adjoint de la revue Fate. Et ce dernier tenta de confirmer les dires d’Ed Hudson.

Pour cela, il fit paraître une annonce dans le Yates Center News du 16 septembre 1976, sollicitant l’aide de toute personne capable de lui apporter des informations complémentaires sur cette vieille affaire.

A. Hamilton, le roi des menteurs
Il reçut une réponse de Mrs Donna Steeby de Wichita, dans le Kansas, dont la mère âgée alors de 93 ans, Ethel L. Shaw, avait entendu l’histoire de la bouche même d’Alex Hamilton, ou du moins ce qu’il avait bien voulu en dire. Mrs Shaw, devenue un peu dure d’oreille, n’en avait pas moins gardé toute sa lucidité et sa mémoire. Aussi précisait-elle :

« Et comment que je me souviens de ce bel après-midi où, jeune adolescente, j’étais en visite au domicile des Hamilton et je discutais avec leur fille Nell quand M. Hamilton, de retour de la ville, entra dans la salle de séjour où nous nous trouvions. Il s’empara d’une chaise et presqu’aussitôt lança à la cantonade : - Tu sais Maman, je viens d’arranger une drôle d’histoire et je l’ai racontée aux gars en ville. Elle paraîtra dans l’Advocate à la fin de la semaine.

« Il semblait tout excité par ce qu’il avait fait mais Mrs Hamilton paraissait plutôt choquée et, plusieurs fois, elle s’exclama : - Pourquoi tu as fait ça, Alex, pourquoi ?

« Enfin nous les filles, nous ne prîmes pas au sérieux cette histoire. Pourtant, rentrée à la maison, je repensai à l’attitude de Mrs Hamilton. J’en parlai à mes parents. Ceux-ci me rétorquèrent que je ne devais pas prêter attention à cette histoire, pas plus qu’aux autres du même genre d’ailleur. » 

Interrompons quelques instants le témoignage de Mrs Shaw pour préciser ce que ses parents entendaient par « autres histoires du même genre ». 1897 fut marquée par la première grande vague d’observations de machines volantes au-dessus du territoire américain. Les pilotes humains de ces vaisseaux aériens eurent de nombreux contacts avec la population. Manifestement, les parents de Mrs Shaw n’avaient pas fait une telle rencontre...

« Il me semble, poursuivait Mrs Shaw, que certains hommes avaient formé un club appelé Ananias (club de menteurs). Ils se réunissaient pour parler de l’effet produit par leurs histoires. Oui, à ma connaissance, la club fut dissous après la fable du veau kidnappé. Je crois que quelqu’un coiffait tout cela et la famille Hamilton était dans le coup. »

Mrs Stebby précisait en outre que les hommes qui signèrent l’affidavit, tous des amis d’Hamilton, « savaient que c’était un mensonge, mais ils n’hésitèrent pas à entrer dans la danse pour s’amuser ».

En clair donc, Hamilton et Hudson et les cinq principaux personnages signataires de l’affidavit avaient organisé un club local de menteurs et le veau kidnappé constituait un de ces énormes mensonges dont ils étaient friands. Ils n’avaient certainement pas prévu l’ampleur que prendrait l’incident ni que, pendant près d’un siècle, ce serait celui dont tous les ufologues « devaient se souvenir », selon une expression de Jacques Vallée datant d’avant 1976. Dans son livre : « Le Collège Invisible », Albin Michel, collection Les Chemins de l’Impossible, 1975, page 161, il écrit que ce cas américain d’enlèvements d’animaux est « un des plus fiables » !

Jerome Clark, parallèlement à sa recherche de nouveaux renseignements, essaya de retrouver les descendants vivants de la famille Hamilton, le principal protagoniste, Alex, étant décédé en 1912. Il apprit ainsi qu’en 1977, seulement un membre de la famille vivait encore à Yates Center et c’était Mrs Elisabeth Hamilton Linde, la fille de Wallace Hamilton - témoin présumé lui aussi de l’extraordinaire enlèvement - et petite fille d’Alex.

Il la contacta et se trouva en présence d’une très gentille vieille dame de 72 ans qui lui raconta que, dans la famille, on n’avait pas cru très fermement à la véracité de l’histoire de son grand-père. Surtout que ni lui, ni son fils Wall ne l’avaient jamais véritablement entérinée en la narrant par le menu. Les échos qui leur parvinrent des développements de l’affaire les amusaient comme s’il s’agissait d’une « légende familiale ».

Tous savaient, bien sûr, qu’Alex avait une imagination débordante mais quand J. Clark demanda à Mrs Linde son avis sur la question, elle hésita à se prononcer et s’en tira par une pirouette.

« C’était peut-être vrai ou alors c’était un mensonge... »

Et plus tard, lorsque le sujet des avions et des ovnis fut abordé, elle rajouta : « En tout cas, ce que mon grand père avait raconté est devenu réalité et pourtant ce n’était pas évident à l’époque. C’est cela qui est intéressant ».

Jerome Clark parla de Mrs Shaw à Mrs Linde et celle-ci confirma les liens d’amitié qui liaient en ce temps, là Miss Ethel Howard - nom de jeune fille de Mrs Shaw - à Nell, la fille d’Alex. Quant aux affirmations de Mrs Shaw, elles suscitèrent la réponse suivante : - Si elle vous a dit ainsi, c’est que cela a dû être ainsi.

Donc, si les témoignages de l’éditeur Hudson et de Mrs Shaw condamnaient sans appel le menteur Hamilton, Mrs Linde, pour sa part, se refusa à répudier définitivement la légende familiale.

Le désappointement desufologues
Suite à son enquête, Jerome Clark fut amené à se poser un certain nombre de questions, la plupart suscitées par des ufologues déçus qui décrétèrent « que l’explication de la mystification était une mystification elle-même » et qui lui firent savoir vertement.

Tout d’abord, peut-on rejeter les possibilités de collusion entre M. Hudson et Mrs Shaw ? Oui, répond Clark et pour des raisons de bon sens : décalages dans le temps et dans l’espace. D’autre part, « il est extraordinairement improbable que Mrs Shaw et M. Hudson puissent avoir menti tous les deux sur cette affaire. Quels auraient pu être leurs motifs ? »

Il a été avancé aussi que la révélation du canular avait pour but « de laver le nom de la famille Hamilton ». Il y a bien des objections à cette hypothèse. Premièrement, « c’était bien trop tard pour le faire », même en 1943. Alex Hamilton était disparu depuis 30 ans. De plus, pourquoi fut-ce Mrs Shaw (avec laquelle Mrs Linde n’entretenait aucun contact) et le défunt Hudson qui ont tenté de blanchir les Hamilton et pourquoi pas un descendant direct tel que Mrs Linde qui, elle, souhaitait manifestement encore « croire » en l’incident ? Surtout qu’en « réhabilitant » le nom des Hamilton, on chargeait joliment le patriarche de la famille en le reléguant au rang de menteur professionnel.

Une autre bouée de sauvetage à laquelle se raccrochent certains soucoupophiles, c’est le fait que A. Hamilton n’a pas vraiment avoué sa trahison devant Ethel Howard (Mrs Shaw). A cela, J. Clark répond : - Pas valable! Primo, l’histoire n’a jamais eu pour Alex plus d’importance qu’une bonne plaisanterie et finalement elle n’a été prise au sérieux que par les médias et leurs lecteurs.

A l’intention des passionnés, « qui ont une foi inébranlable dans le cas Hamilton et qui ont vu dans sa démystification le début d’une entreprise de grande envergure pour tous les autres cas », nous pouvons nous-mêmes apporter le fruit de notre réflexion. La dénonciation du cas Hamilton en tant que farce est d’autant plus sérieuse, à notre sens, qu’elle fut l’œuvre des ufologues eux-mêmes, lesquels, à priori, ont intérêt à prolonger le mythe. John Keel, maître ès ovni, quand Jerome Clark lui confia sa conviction du coup monté, reconnut son embarras devant ce qui lui avait paru l’incident le plus circonstancié de 1897. Mais il admit que si tel était le cas, « nous devrons sérieusement remettre en question les autres cas ».

En outre, J. Clark, avec qui j’ai été personnellement en contact pour la rédaction de ce livre : Le Grand Carnage (1986), n’est pas du tout un démystificateur chevronné. Il est, selon sa propre expression un « fortéen sceptique » (3).

N’a-t-il pas écrit : «  Le temps est venu pour nous, chercheurs en ufologie, d’accepter que nous avons été trompés par l’histoire d’Hamilton. L’épisode a été publié comme un rapport authentique et des milliers de gens, de par le monde, l’ont pris comme tel. Cela lui a conféré une réalité phénoménologique et, tricherie ou pas, il est conforme à un scénario classique ancien et moderne dans les mythes et dans les faits pour ce qui est des enlèvements et des mutilations d’animaux.

« Nous commençons à nous apercevoir, en ufologie, que les mystifications font partie intégrante du phénomène au même titre que les cas réels. Tenons-nous sur nos gardes, sinon, dans notre zèle, nous jetterons le bébé avec l’eau du bain ».

Dans une lettre datée du 12 septembre 1980, il affirmait : « Il n’y a absolument aucune chance, selon moi, que l’histoire d’Hamilton soit vraie. La preuve que c’est une supercherie est accablante ».

Et pourtant, cette année-là, l’affaire avait subi un rebondissement spectaculaire.

Et si le menteur avait dit vrai ?
L’épilogue au cas Hamilton que nous vous proposons est en accord avec le mécanisme ufologique si frustrant qui dit que tout fait ou toute loi, une fois démontrée, est aussitôt réfutée par les observations suivantes. Ici, c’est le contraire qui se passe, vous l’allez voir.

En 1977, il était donc confirmé par plusieurs sources que l’image du bovin capturé par un engin volant était née dans l’esprit d’un farceur invétéré, lequel avait pensé à monter cette imposture en voyant tourner un des premiers moteurs à essence aux Etats-Unis en 1897.

Dans l’hypothèse où Alex Hamilton avait affabulé et où la description de l’enlèvement du veau était le fruit de son imagination, il était complètement inutile de chercher si, dans la réalité, son engin volant voleur de bétail avait été repéré dans quelque autre région de l’Amérique. Par contre, si le cas Hamilton n’était pas isolé à l’époque, cela irait dans le sens de sa réalité, mais puisque l’épisode de Leroy était l’œuvre d’un club de joyeux plaisantins, le cas devait être unique en son genre et il était stérile de rechercher dans les annales du mystérieux du début du siècle quelqu’autre témoignage des méfaits de voleurs de bétail complètement imaginaires.

Or, coup de théâtre en 1978 ! Howard Gontovnick, de l’organisation d’enquête sur les ovnis d’UFO Canada, au cours d’un travail de collecte de rapports sur les observations d’objets volants non identifiés, découvrait dans le Minonk Dispatch, du 20 mai 1897, un petit hebdomadaire du centre de l’Illinois, un article intitulé « Un objet aérien vole un jeune bœuf » qui semblait décrire une nouvelle exaction du même groupe de voleurs aéroportés.

« Un clochard, logé à la prison l’autre nuit, raconta aux hommes de garde qu’un engin volant avait enlevé un jeune boeuf dans une ferme du comté Peoria. Le vagabond s’était arrêté pour la nuit chez les Geisert. Il prétendit avoir été réveillé par le mugissement d’une vache. Se précipitant au dehors, il vit un gros objet avec des lumières brillantes qui planait au-dessus du corral à bestiaux. Geisert et son fils se ruèrent vers l’enclos avec des haches en hurlant. L’engin se déplaça traînant un jeune bœuf de 2 ans attaché à une corde. Le lendemain, Geisert trouva la peau de l’animal à 10 km au sud-est. Selon son témoignage, l’objet avait 100 mètres d’envergure. Trois hommes et femmes et 2 enfants étaient à bord (sic). Un des hommes tenait un accordéon et en jouait. Exactement Comme je vous vois ».

Ce récit était paru pour la première fois dans un petit journal de Pekin, Illinois, le Pekin Times disparu depuis longtemps. Et par la même occasion, on apprend que le texte de Hamilton avait été publié le 21 avril 1897 dans le Saint Louis Democrat, soit 2 jours avant sa parution dans le Yates Center. Cela, ni Ed Hudson ni Mrs Shaw n’en ont pipé mot.

William Retoff, dans la revue Beyond Reality de mai/juin 1980, s’amuse à dégager les points communs des deux récits. Et ils sont nombreux en effet.

« Le trio de témoins dans l’incident du comté Peoria sont réveillés la nuit par le meuglement des vaches ; similairement, c’est un bruit provenant de l’enclos à bétail à environ 10 h 30 qui alerta les témoins, eux aussi au nombre de trois, pendant les manœuvres de l’engin volant à Leroy, Kansas ».

Les deux descriptions du vaisseau volant sont pratiquement identiques : même taille, mêmes lumières. Tous les deux ont des passagers, 6 à Leroy et 5 à Peoria. Les témoins accourus sur les lieux armés de haches sont chaque fois impuissants à empêcher l’engin volant d’entraîner dans les airs sa victime bovine.

Le lendemain, des restes de l’animal enlevé sont retrouvés « dans des champs de terre molle où il n’y a aucune empreinte de pas ».

Le léger bourdonnement du vaisseau au Kansas contraste avec la musique d’accordéon qu’il distille en Illinois. W. Retoff fait remarquer que, très souvent, d’étranges mélodies ont été entendues émanant des machines volantes de la vague de 1897.

Finalement, ces similitudes concourent à faire penser qu’il s’agissait d’un seul et même engin opérant à 530 km de distance à environ un mois d’intervalle.

Comme le souligne W. Retoff : « Maintenant que les années ont passé, il serait vain de vouloir retrouver le clan Geisert. Le vagabond errant et la machine volante se sont fondus dans la nuit des temps. Peut-être d’autres récits similaires dorment-ils dans des morgues à journaux, cachés, attendant d’être exhumés ». Le seront-ils un jour ? »

Peu importe finalement puisque, pour des milliers de fermiers américains, les voleurs de bétail survolent chaque nuit leurs troupeaux tuant et mutilant affreusement leurs bovins et leurs chevaux...

l/ Disco Voador, 1979. Traduction en français par P. Delval et E. Banchs dans Ouranos N°29, 1980.
 2/ Il s’énonce en ces termes: « En Ufologie, toute loi une fois découverte et démontrée est aussitôt réfutée par les observations suivantes ».

3/ De Charles Hoy Fort, auteur du célèbre « Livre des Damnés » et qui, le premier, prit les scientifiques en flagrant délit de négligence vis-à-vis des faits dérangeants et rares.

mardi 27 mars 2018

L’énigme des « boules de feu vertes »


De décembre 1948 à janvier 1949, une « vague » sans précédent de « boules de feu vertes » célestes fut signalée dans le sud-ouest des Etats-Unis : au-dessus de l’Etat du Nouveau Mexique (NM) et, plus précisément, dans une zone très sensible stratégiquement. Là où se trouvaient justement des installations militaires et des laboratoires secrets  liés au programme de recherche et de développement nucléaire du pays ; ainsi, ces observations ne furent pas prises à la légère de la part du Pentagone.

L’ufologue William L. Moore publia, en 1983, un dossier de 183 pages de documents déclassifiés grâce à la loi sur la liberté de l’information (Freedom of Information and Privacy Acts), marqués soit « SECRET », soit « Confidential », concernant ces boules vertes.

On y trouve une note estampillée « Secret » de l’AFOSI (bureau d’investigations spéciales de l’US Air Force) qui cite 11 témoignages rien que pour le 5 décembre 1948, dont celui de pilotes militaires.

En voici un, selon Ruppelt (1) :

« Ce jour-là, à 21 h 27, un C-47 de transport volait à l’altitude de 5 500 mètres, à 15 km à l’est d’Albuquerque, piloté par le capitaine Goede. Tout à coup, l’équipage aperçut une boule de feu verte qui traversait le ciel sur l’avant de l’appareil. On eût dit un grand météore, n’eût été cette couleur verte et le fait que la trajectoire ne s’inclinait pas vers le sol, comme celle des météores habituels. Cette boule, partie de très bas, des environs des contreforts orientaux des Sandia Mountains, avait monté légèrement puis paru devenir horizontale. D’autre part, elle était trop grande pour un météore, du moins pour un de ceux que l’équipage du C-47 avaient vus jusque-là. Après discussion, les aviateurs décidèrent de signaler leur observation, d’autant plus qu’ils avaient aperçu un objet identique, vingt-deux minutes plus tôt, au nord de Las Vegas, au Nouveau Mexique ». Ils avaient pris initialement cette première lumière verte brillante pour un météore mais elle avait semblé  être beaucoup trop proche du sol. Le Capitaine Goede téléphona à Kirkland pour dire qu’il avait dû dévier l’avion pour éviter la collision. La lumière avec sa queue vert pâle avait amorcé une courbe descendante et disparu en quelques secondes.

Le même soir, 5 civils avaient rapporté entre 19 h 30 et 22 h des boules vertes volantes observées du sol, de Las Vegas à Lucy dans le même Etat. Cette note de l’AFOSI faisait suite à une enquête lancée dès le lendemain par le commandement du 7ème district à Kirkland (base de l’US Air Force située au sud-est d’Albuquerque, Nouveau Mexique) qui finalement recensa une quarantaine d’observations jusqu’au 12 avril 1949.

Un spécialiste, ayant étudié les observations de ce jour-là, mettra pas moins de 8 boules de feu différentes en cause.

J. Clarke (2) y ajoute pour le même soir du 5 décembre « une boule de feu brillante filant vers l’ouest à grande vitesse à l’horizontale » rapportée par un automobiliste voyageant sur la « Highway » 60, près de Bianca, au Colorado.

Tout est dit ou presque sur ce « nouveau phénomène » (3).

Les observations furent tellement régulières ensuite – chaque nuit – que, consécutivement à l’enquête lancée le 6 décembre, deux officiers des renseignements de Kirkland se mirent à croiser juste avant le coucher du soleil au nord d’Albuquerque, le 8 décembre. Et ils rencontrèrent à l’est de Las Vegas un objet mystérieux à 18 h 33 très exactement. Leur rapport parle d’un objet se situant à environ 600 mètres plus haut que l’avion, s’en rapprochant à vitesse élevée sous une inclinaison de 30° à gauche et ressemblant à un feu de Bengale vert, plus grand et à l’éclat plus intense. Sa trajectoire était « plate » parallèle au sol ; elle s’inclina brusquement.

Les états-majors devinrent franchement nerveux quand, le 11 décembre, une boule de feu fut repérée au-dessus du site nucléaire de Hanford (WA) et un autre près de Memphis (TN), non loin de l’usine d’enrichissement d’uranium de Oak Ridge.

La ressemblance des objets inconnus avec des météores avait déjà conduit à consulter le Dr Lincoln La Paz (4), directeur de l’Institut des Météorites à l’Université du Nouveau Mexique, et grand expert en la matière.

Dr Lincoln La Paz (source WEB).

Or, celui-ci observa, le 12 décembre 1948, un brillant « météore » vert à 2 h du matin alors qu’il circulait sur une route près de Bernal, en compagnie de deux patrouilleurs civils de Kirkland : une boule verte grosse comme un quart de la lune, aussi brillante que Vénus en vol horizontal visible pendant deux secondes.

Dessin illustrant un article sur les boules de feu du Sud-ouest publié par The International UFO reporter de septembre 1985.

 Or, depuis 1915 que le Dr La Paz observait des météores (il en avait vu 414 du type de « Geminid »), c’était le premier qu’il voyait de couleur verte ! Les météores « normaux » apparaissent blanc, teintés d’orange ou de rouge.


Météore Leonid photographié par l'astrophotographe Steve Dunn en 1998 (source WEB).
 Le 20 décembre, dans un mémo confidentiel Top Secret, La Paz affirmait que la boule de feu était trop lente (13 à 16 km/seconde contre 50 à 65 pour les astéroïdes), trop basse (13 à 16 km) et trop silencieuse » pour un météore (les météores se consument au dessus de 60 km avec un fort grondement). Sa trajectoire horizontale ne correspondait pas avec celle, courbe, des aérolites. La taille d’un tiers de la lune rapportée par d’autres témoins était aussi trop grosse.

Une opération de « triangulation » indiqua que l’objet avait très certainement survolé Los Alamos, autre endroit très sensible, ce qui attira surtout l’attention !

Des patrouilles furent organisées avec des membres des services de sécurité à l’énergie atomique équipés de « caméras radars » dont une photographia le 18 décembre un météore normal. Le 20, alors que l’on remballait le matériel, une boule de feu apparut qu’on ne put hélas photographier mais qui, elle aussi, semblait se diriger vers Los Alamos !

Le 30 janvier 1949, des centaines de témoins virent passer « un météore vert »  venant du nord-ouest et disparaissant au sud-ouest en direction de Roswell, NM. Kirkland lança une enquête immédiate soulignant que le commandement local était perturbé par les implications du phénomène. La Paz, à partir des données récoltées auprès de dizaines de témoins et malgré une chasse poussée de plusieurs jours jusqu’à Lamesa, Texas, ne trouva ni point d’impact, ni débris (sondage du sol avec des perches en acier !) au point de chute présumé. Le « météoriste » particulièrement perplexe élimina dès lors l’origine naturelle des boules vertes en faveur « de missiles tirés par quelqu’un dans l’atmosphère terrestre » : des missiles radio-contrôlés pouvant être dirigés là par des agents ennemis. Des missiles équipés d’un système d’autodestruction ? Essais secrets ennemis à inscrire dans le contexte de réarmement du bloc communiste ? Mais même dans ce cas, on devait bien trouver quelque débris qui analysés dans un laboratoire permettraient de déterminer leur provenance (terrestre ou extraterrestre ?). 

Huit jours plus tard, une conférence sur les phénomènes aériens eut lieu, le 16 février 1949, dans les locaux du Laboratoire Scientifique de Los Alamos avec des militaires et des scientifiques dont La Paz et des représentants du projet UFO « Grudge » (5) (il y avait là plusieurs témoins des boules de feu vertes, dont La Paz). C’est là que le Dr Joseph Kaplan de l’Université de Californie à Los Angeles, sollicité lui aussi pour une investigation sur le phénomène – elle avait porté sur 46 observations,  assura qu’il n’y avait aucun exercice d’entraînement secret dans cette région (pas d’appareil secret US) ; car le cloisonnement dans les différents secteurs secrets de l’administration US étaient tels qu’on se demanda aussi s’il ne s’agissait pas d’un projet militaire technologique américain ultra secret (6).

A cette occasion, les représentants de « Grudge » ne manifestèrent aucun intérêt pour ce que Kaplan qualifiait le 27 avril « d’un phénomène d’extrême importance pour la défense nationale des Etats Unis ».

Edward Teller (7), présent, indiqua que, selon lui, les  caractéristiques des boules de feu vertes accréditaient l’idée un phénomène « non solide mais plutôt électro-optique » ! La Paz demandait déjà des moyens et des hommes.

Mais l’AFOSI ne parvint pas à les lui fournir (restriction du budget militaire depuis la fin de la guerre oblige). Et ce, malgré une nouvelle offensive des boules de feu vertes survenue en mars 1949 rapportée dans la région de Killeen et du site de stockage d’armes nucléaires de Camp Hood, au Texas, base très très sensible, on s’en doute : des lumières, tout d’abord aperçues de diverses couleurs : blanches, bleues, jaunes, rougeâtres, violettes, qui, en final, tournaient au vert. Les 16 et 18 avril de mystérieux flamboiements (flares) furent rapportés. Plutôt que les responsables de « Grudge », La Paz et Kaplan furent saisis pour chercher des explications. La Paz, dans un briefing de 3 heures en compagnie de Kaplan le 27 avril devant le personnel  du projet des armes spéciales des forces armées à la base Sandia (laboratoire où étaient assemblés les éléments de la bombe atomique, près d’Albuquerque), soumit ses plans de mise en place d’un réseau d’observation visuelle, photographique, spectrographique et radar couvrant les zones de Los Alamos, Sandia, Holoman et White Sands pour y localiser des fragments.  La région de Camp Hood/ base de Killeen fut inclus car, après 15 jours d’inactivité, les « flares » avaient repris dans la nuit du 16 avril. Quatre furent vues une fois en même temps ; en une autre 8 à 10 ! Ce spectacle pyrotechnique n’avait rien à voir avec une pluie de météores.

Le 19 avril 1949, l’AFOSI à Kirkland envoya aux quartiers généraux de l’Air Force la liste de tous les rapports (39) des boules vertes sur lesquelles elle avait enquêté, dont 25 de couleur verte (les autres étaient blanches voire oranges). Elle y dévoilait les 6 caractéristiques du phénomène :
a/ couleur « atypique » : verte, blanc-verdâtre, jaune-vert et bleu-vert ;
b/ trajectoire horizontale avec parfois des écarts mineurs ;
c/ vitesse inférieure à celle d’un météore mais supérieure à tout type d’engins volants connus ;
d/ aucun son associé à l’observation ;
e/ pas de queue persistante ou de nuage de poussière ;
f/période de visibilité une à 5 secondes.

Les boules vertes continuèrent de se montrer dans la région au rythme d’une demi-douzaine environ par mois. Une conférence à Camp Hood, le 4 mai, en présence de personnel de l’espionnage dont le FBI, parla de menace de sabotage : on décida de créer 4 postes d’observation aussitôt opérationnels à quelques miles au sud-est de la base de Killeen, postes de surveillances seulement car on manquait de caméras !

Le 19 mai, le colonel Lumsden, du bureau de l’AFOSI à San Antonio, déclarait que « le phénomène inconnu dans la région de Killeen ne pouvait être attribué à des causes naturelles ». A Washington, au même moment, on déclarait le contraire ! Kaplan penchait pour « un nouveau type d’effet auroral » (aurores boréales), concédant que celui-ci était « difficile à expliquer » aussi loin des régions magnétiques polaires.

Le 24 juillet, une boule de feu verte était observée plongeante près de Soccoro. C’est à cette occasion que des échantillons d’air prélevés dans la région révélèrent la présence de microparticules de cuivre dans la poussière ambiante. Or jamais la plus petite particule de cuivre n’avait été détectée d’origine météoritique et la couleur verte décrite par les témoins évoquait le spectre du cuivre (5200 angströms), cuivre normalement oxydé dès que l’entrée dans l’atmosphère terrestre. Le Professeur Fred L. Whipple, de Harvard, voyait, lui dans la couleur verte, la présence de magnésium incandescent.

Entre juin et août, « de nombreuses boules de feu vertes maintenant apparaissant dans un mouvement descendant presque vertical au-dessus du Nouveau Mexique » furent repérées, particulièrement durant les week-ends !

Le 31 août 1950 une boule verte fut observée après le lancement d’une fusée V-2 de la base de l’Air Force de Holloman AFB, à Alamorgordo, NM.

A la fin de l’été 1949, fut créé le Projet Twinkle (sous-commission du Projet Grudge) ; lancé à Vaughn (NM) là où plusieurs boules vertes avaient été signalées, dont une boule blanche vue exploser sans bruit, le 23 novembre 1949, par un Colonel de l’armée US. Il fut transféré après trois mois à la base Holloman et faute de moyen - seulement un des trois cinéthéodolites (caméras de repérage) demandé fut utilisé -  ne photographia rien du tout et, de la sorte, conclut dans son rapport final de décembre 1951 : « qu’aucune conclusion scientifique n’avait pu être apportée dans cette région qui aurait pu donner lieu à un tel phénomène » (les boules de feu vertes). Et ce, bien que, le 23 août 1950, le personnel opérant dans le cadre du projet ait repéré « 8 à 10 objets du phénomène aérien » (sic). Des rumeurs coururent d’un prolongement du projet avec un champ plus large.

Le Capitaine Ruppelt tomba sur cette affaire en 1951 quand il fut nommé à la tête du Project Blue Book. Et il s’en passionna au point de retourner sur place.


Illustration du chapitre de Ruppelt reproduit texto in
FATE, juin 1957.
Lors d’un repas à Los Alamos, il mit le sujet sur le tapis et un pilote lui décrivit le phénomène comme une balle de tennis recouverte de peinture fluorescente lancée par quelqu’un situé à 30 mètres. Comme hypothèse ce jour-là, fut envisagée « une sorte d’engins d’essai, projetés dans notre atmosphère par un « vaisseau-mère » planant à plusieurs centaines de kilomètres au-dessus de la Terre. En clair : des essais menés de l’espace par des extraterrestres identiques à ceux qu’on aurait nous-mêmes programmés pour tester l’échauffement aérodynamique avant de se poser sur une planète étrangère lors d’une opération de débarquement !

Tous les savants parlaient d’une chose « terrifiante », « aussi grosse que la Lune » d’où le dessin reproduit par Life, dans un article paru le 7 avril 1952.


Le dessin de Life (1952).
A l’automne 1951, en 13 jours, 9 boules de feu vertes furent observées dans 5 Etats du sud-ouest américain. Le Dr Lapaz déclara dans Time du 19 novembre qu’une chute de 9 météorites brillantes par an dans une région comparable devait être considéré comme exceptionnelle. Le 2 novembre, 165 rapports écrits furent collectés concernant une « boule de feu verte » géante. Elle fut décrite comme ayant la couleur d’un tube néon vert par trois étudiants de l’Université de New Mexico. Jusqu’à fin 1951, l’observation des boules vertes se limita au sud-ouest des Etats-Unis ; aucune ne fut vue ailleurs.

En 1952, lors de la plus grande vague d’ovnis enregistrée en Amérique (plus de 1000 observations dans l’année), le nombre des « boules vertes » surpassa celui de 1948. Ensuite, leur nombre diminua considérablement. Le 18 septembre 1954, une énorme boule de feu verte passa lentement au-dessus du Colorado et du Nouveau Mexique. Une autre fut aperçue le 19 juillet 1956 à Arkansas City, AR : la tête de l’objet fut décrite comme étant de couleur verte ou bleu-vert. Durant la vague d’ovni de 1957, il y en eu encore  mêlées aux « ufos » d’autres couleurs ; en mars 1958, une boule feu à queue verte vu repérée au dessus de Oakland, Californie. En 1963, il y eut encore un regain d’observations… Plus récemment, j’ai relevé des lumières vertes au-dessus de Mansfield (Ohio) en 1988, d’autres dans le ciel du Kentucky, en 1992, mais certainement beaucoup m’ont échappé.

Côté interprétation, les documents secrets témoignent que La Paz, dès le début, douta de l’hypothèse « météores » ; du moins ceux traditionnels car il envisagea qu’ils pourraient être des rencontres avec de l’antimatière : notre système solaire aurait-il atteint un coin nouveau de l’univers contenant du matériau « contraterrene » (de l’antimatière) qui au contact de l’air aurait produit ces boules vertes de lumière d’un genre nouveau ? Il réfuta l’idée des « météorides » type « Bielid », apparus en 1905 et avancée par des collègues : «  ces boules d’aujourd’hui, affirmait-il, ne ressemblent à aucun « Bielid » vu auparavant. « Les prendre pour des Bielid c’est comme surveiller un tir d’obus éclairant verts de 240 mm durant un bombardement de balles de fusils rouges ».
La tentative d’assimiler les boules de feu vertes à la foudre en boule fit long feu, si j’ose dire, du fait de la longue durée de l’observation et de l’absence d’orage concomitant.

Une ultime tentative d’explication des boules de feu vertes vint en 1959 quand Donald H. Robey, de la General Dynamics Corporation, lança l’hypothèse des « cométoïdes » : des objets dans un état physique se situant entre les « météorides » et les comètes. Faits de roches et de glace, ils pourraient, en étant attirés par la Terre depuis une zone d’accumulation près de Jupiter, après désintégration gravitationnelle, survivre à l’entrée dans l’atmosphère terrestre et, par surchauffe, expulser de l’azote, ce qui produirait une lueur brillante verte et ainsi donnerait un phénomènes pouvant être confondu avec des ovnis de formes sphérique, discoïdale ou cylindrique… Inutile de dire que la preuve de l’existence de ces « cométoïdes » déguisés en ovnis n’a jamais été apportée …

La thèse météore/comète était de toute façon difficile à appliquer au comportement « curieux » des boules de feu vertes vis-à-vis des sites stratégiques US ; mais qu’à cela ne tienne : si tant de boules de feu avaient été vues au-dessus des installations du Nouveau Mexique, c’était selon le Dr Kaplan : « à cause de l’extraordinaire visibilité dans la région et du fait qu’un grand nombre de gens - plus qu’avant - regardaient le ciel ; notamment les gardes de sécurité de plus en plus nombreux « dont c’est le métier et le devoir de se promener dehors la nuit » (sic).

Non élucidée, l’énigme des boules de feu vertes se dilua donc dans le phénomène ovni sachant que la couleur dominante des « lumières nocturnes » n’est pas verte mais jaune (Hynek, 1972).

Notes
1/ Edward J. Ruppelt (1922-1960), « capitaine », dans son livre : « The Report on Unidentified Flying Objects, 1956, consacre un chapitre entier à ces « boules de feu » volantes. Traduction française par R. Jouan, parue en 1958 aux Editions France-Empire, sous le titre « Face aux soucoupes volantes ». Directeur du « Project Blue Book » de 1951 à 1953, Ruppelt fut relevé de ses fonctions par l’armée pour l’avoir accusée d’avoir « étouffé » les événements de 1952 (notamment une vague de boules de feu vertes).
2/ Jerome Clark, in The UFO Encyclopedia, Omnigraphics, Inc., Detroit, MI, 1998.
3/ Les « boules de feu vertes » venaient après :
Ø     les « soucoupes volantes » de K. Arnold (1947),
Ø     le « crash » de Roswell (1947), là aussi au Nouveau Mexique,
Ø     le cigare observé avec hublots, dans la nuit du 23 au 24 juillet 1948, par deux pilotes d’un DC3 des Eastern Airlines, lancé sur une trajectoire de collision et qui évite l’accident en amorçant lui-même une manœuvre en montant en chandelle,
Ø     la boule lumineuse observée en octobre 1948 au-dessus de la base de Fargo dans le Dakota du Nord, dite « contrôlée intelligemment » quand un pilote a voulu la poursuivre en avion et que l’ATIC assimila à un ballon météo !
4/ Le Dr Lincoln La Paz (1897-1985), mathématicien et astronome à l’Université de New Mexico, fut aussi impliqué dans l’enquête sur Roswell en 1947.
5/ A noter que les représentant officiels du projet UFO étaient là en curieux et non en tant que participants, car le phénomène « boules de feu vertes » ne parlant pas de « disques volants », le projet UFO n’avait pas de raison de s’y intéresser ! Authentique et symptomatique d’un singulier fonctionnement de l’administration américaine ! C’est le 11 février 1949 (5 jours plus tôt) que le Projet « Sign » (signe) qui avait fait suite à l’éphémère Project « Saucer » (soucoupe) était devenu le Projet « Grudge » (rancune) !
6/ Un programme de l’Air Materiel Command était celui d’un avion à propulsion atomique lequel fut interrompu en 1961 sans qu’un prototype ne soit construit.
7/ E. Teller (1908-2003), physicien nucléaire, connu comme le « père » de la bombe à hydrogène.

Publié raccourci dans Dimanche Saône & Loire du 20 janvier 2008 et in extenso dans Le Monde de l’Inconnu, n°328, février-mars 2008.